Effusion


et dans ce rien

si dense

quelque chose veille –

un fil tendu

de la gorge au ventre

pas même une pensée

juste le poids de rester là

sans nom

sans nuit

et l’oreille ouverte

à ce qui ne vient

jamais


Caroline Dufour

(de) Pensées sous les nuages

.

Tant d’années

et vraiment si maigre savoir

cœur si défaillant

.

Pas la plus fruste obole dont payer

le passeur, s’il approche ?

.

– J’ai fait provision d’herbe et d’eau rapide,

je me suis gardé léger

pour que la barque enfonce moins

.

Philippe Jacottet

Matthieu Litt

(de) Nature morte

.

Voilà. Je suis prêt. Commencer.

Peu importe par où. Ouvrir

la bouche. Je peux me taire.

Mieux vaut que je parle.

.

De quoi ? Des jours, des nuits,

ou bien encore de rien.

Ou encore des choses.

Des choses et non des

.

Gens. Ils mourront.

Tous. Je mourrai aussi.

Vaine entreprise.

Comme d’écrire au vent.

.

Joseph Brodski

Max Miechowski

Edgar et son autre



à l’enfant qui rôde

le soir

Edgar – c’est son prénom

demande

– malgré l’errance

le silence

le sujet qui racine

malgré la différence âge

ton avenir

ce monde sous nos yeux

qui échoue

dis –

est-ce que

tu m’acceptes encore

comme copain ?

Scottie Wilson

L’arche


assis sur le pont

arrière

nous attendons

que le bateau bouge

il y a des gens seuls

quelques couples âgés

ces familles pour qui

la place semble comptée

un chien –

sa tête dépasse d’un sac

aussi un homme

bien de sa personne

avec deux sirènes rieuses

agitées –

ont-ils tous embarqués ? 

hurle soudain

l’officier

André Lichtenberg

(de)Ancestrale

.

On entend

toujours une voix

Toujours

on regarde un visage

On attend

heure par heure qui

doit arriver

On épie

son retour

ses aubes

son approche dans l’air

du soir

Seule à présent

Tu chutes dans le précipice de tes cris

.

Goliarda de Sapienza

Andy Feltham

Lettre à M.



entre nous

un fil

tendu

sur l’océan

ici

je reste

à l’autre bout

tu vis

tu dis

chez toi –

rien ou presque

jje me tais

j’écoute

tu vas bien

tu me manques

mais

le fil tient

Elene Shengelia

Rue a disparu


sur le sentier

qui monte

à l’ombre des arbres

je vous attends

le jour s’efface

à pas lents

votre visage

silencieux

flotte dans l’air

peut-être

êtes-vous simplement

sortie

Can Dağarslanı