(de) Arrière-plans

.

Dormeur solitaire

Je ne rêve rien

Qu’on ne puisse rêver

Je vois la nuit en face

sans me voir

quant à vous vous troublez

ça et le miroir

entre les vieux nuages

ainsi je ne suis seul qu’avec vous

et ma propre absence

prête à être écrite

.

Christophe Mahy

Hanna Putz

(de) Beaupré

.

il n’y a

dans la véranda

que la table où nous sommes où nous ne sommes

pas

quelque chose 

n’est plus moi quand j’écris mais je t’écris encore

.

Eric Sautou

Fergus Padel

Sans titre

.

Pas un rayon encore,

le vert sèvère des feuillages,

l’étendue du ciel pâle

et presque rien ne bouge

ni se fait entendre,

nous avons franchi la porte,

tiré les chaises et la table

devant ce paysage de l’aube

au sortir d’une nuit incertaine.

.

Paul de Roux

Zao Wou-ki

 (de) Là où sont les oiseaux

.

Jours de pluie

Derrière mes barreaux je regarde

La fin des fleurs

.

Et voici le poème

La belle écume des choses

Qui tuent

Qui luttent contre la mort

Qui aiment au galop

.

Un lieu sûr c’est

Comme prier

Les mains coupeées

.

La tempête a laissé au jardin

Ce que j’assemble ici :

Un grand vide que le cœur emplit

Mais j’entends la nuit savez-vous

J’entends la nuit qui bouge

Dans le noir

.

Véronique Wautier

R. Michael Walker

(de) Errer mortelle

.

Pour seules vivres

l’os du chemin

rongé par la lumière

.

pauvre est le sol

où s’use la pierre

sous les rafales  du vent

.

citernes vides

remplies d’échos

sources taries dans l’air hautain

.

le chemin n’est que poudre d’os

dans la paume de la terre

.

José-Flore Tappy

Serge Clément

Sole mio

.

Mes pieds

glissent

océan

agapes

la-haut, ils

les bons hommes

érigent des montagnes

c’est l’heure de sable

ça sent le parfait

jusque dans le ciel

il est temps de

poser mes falaises

au rythme

«  Un deux – moins vite,

vois commes ça chaloupe »

des vagues

.

Anne-Laure Lussou

Can Dagarslani

(de) Ici n’est plus très loin

.

Plage poussière

de soleils 

          unanimes

.

(égrénée

perd son compte

dans le découlement d’une identique l’autre

chaque fois différent)

.

Entre ses marbres

Infimes

         suivent

des abimes de temps

.

Danièle Faugeras

Satoshi Morita

Présence

.

ta voix

là où les choses ne peuvent s’extraire

de mon regard

elles me dépouillent

font de moi une barque sur un fleuve de pierres

si ce n’est ta voix

pluie seule dans mon silence de fièvres

tu me détaches les yeux

et s’il te plaît

que tu me parles

toujours

.

Alejandra Pizarnik

Francesca Woodman

(de) Le soir

.

La porte entrouverte,

L’odeur des tilleuls…

Oubliés sur la table,

Un gant, une cravache.

.

Le jaune de la lampe…

J’écoute tous les bruits

Pourquoi es-tu parti ?

Je ne comprends pas…

.

Le matin bientôt

Sera soyeux et clair.

Que cette vie est belle,

Sois sage, mon cœur.

.

Toi qui semble las.

Ce battement trop sourd…

Je l’ai lu, tu sais :

Jamais l’âme ne meurt.

.

Anna Akhmatova

Egon Schiele

Vingt-quatre heures l’été 

.

On touche on cherche y a-t-il jamais

eu autre chose que ce suspens

comme entre deux et quatre la rue

l’été c’était l’enfance le jaune

de la maison d’en face on répète

les mêmes mots les mêmes images

comme s’ils gardaient un peu de corps

et qu’on était resté là toujours

le front contre le froid de la vitre

.

Jacques Ancet

Martin Parr