Vent du nord



le souffle

glacé de l’hiver

et nos pas

dans la neige

qui vont

et reviennent

encore au lieu

du départ

c’est peut-être

cet aller sans fin

que cache

le silence

Fernand Michel

Sole mio

.

Mes pieds

glissent

océan

agapes

la-haut, ils

les bons hommes

érigent des montagnes

c’est l’heure de sable

ça sent le parfait

jusque dans le ciel

il est temps de

poser mes falaises

au rythme

«  Un deux – moins vite,

vois commes ça chaloupe »

des vagues

.

Anne-Laure Lussou

Can Dagarslani

(de) Ici n’est plus très loin

.

Plage poussière

de soleils 

          unanimes

.

(égrénée

perd son compte

dans le découlement d’une identique l’autre

chaque fois différent)

.

Entre ses marbres

Infimes

         suivent

des abimes de temps

.

Danièle Faugeras

Satoshi Morita

Présence

.

ta voix

là où les choses ne peuvent s’extraire

de mon regard

elles me dépouillent

font de moi une barque sur un fleuve de pierres

si ce n’est ta voix

pluie seule dans mon silence de fièvres

tu me détaches les yeux

et s’il te plaît

que tu me parles

toujours

.

Alejandra Pizarnik

Francesca Woodman

(de) Le soir

.

La porte entrouverte,

L’odeur des tilleuls…

Oubliés sur la table,

Un gant, une cravache.

.

Le jaune de la lampe…

J’écoute tous les bruits

Pourquoi es-tu parti ?

Je ne comprends pas…

.

Le matin bientôt

Sera soyeux et clair.

Que cette vie est belle,

Sois sage, mon cœur.

.

Toi qui semble las.

Ce battement trop sourd…

Je l’ai lu, tu sais :

Jamais l’âme ne meurt.

.

Anna Akhmatova

Egon Schiele

Vingt-quatre heures l’été 

.

On touche on cherche y a-t-il jamais

eu autre chose que ce suspens

comme entre deux et quatre la rue

l’été c’était l’enfance le jaune

de la maison d’en face on répète

les mêmes mots les mêmes images

comme s’ils gardaient un peu de corps

et qu’on était resté là toujours

le front contre le froid de la vitre

.

Jacques Ancet

Martin Parr

Volée d’anges



jaunes

rouges et bleus

infatigables

cris et pistolets

éclats filant de coins sombres

en buissons creux

et ces ailes

douces et blanches

que je déployais

à leur âge

pour traverser le vide de

la chambre

Minnie Evans

Sans titre

.

Je pense qu’en ce moment

personne peut-être ne pense à moi dans l’univers,

que moi seul je me pense,

et si maintenant je mourrais,

personne, ni moi, ne me penserait

.

Et ici commence l’abîme

Comme lorsque je m’endors.

Je suis mon propre soutien et me l’ôte.

Je contribue à tapisser d’absence toutes choses.

.

C’est pour cela peut-être

que penser à un homme

revient à le sauver

.

Roberto Juarroz

Kata Geibl

(de) En lisant Hamlet

.

Près du cimetiere, à droite

un désert de poussière.

Au-delà, toute bleue

la rivière.

Tu m’as dit : « Tant pis!

Entre au couvent

Ou épouse un imbécile… »

Les princes ne disent

jamais autre chose.

Mais je me suis rappelé ces paroles.

Qu’elles coulent pendant

une centaine de siècles.

Comme un manteau d’hermine

qui glisse sur l’épaule.

.

Anna Akhmatova

Martin Parr

.