» Alors écrire, en plus ? Cela ne résout rien, ne guérit pas ; je vois cela plutôt comme une mise à plat, une façon d’y voir un peu plus clair, de respirer un peu mieux. Une sorte de prise d’écart, de distance : je ne suis plus muet, j’essaie de dire pour moi et l’autre ce qui, d’habitude, nous fait taire.
Écrire-vivre, c’est partir de ma vie jusqu’à ce qu’elle s’adresse, par le poème, aux autres, à leurs vies particulières. Le poète n’est pas devant tout le monde, guidant le peuple et voyant plus loin ; il est derrière, aussi aveugle que les autres, mais il dit son aveuglement, et son refus. Ce n’est pas refuser qui le distingue, mais son dire. Donc tout le travail consiste à rejoindre le commun en partant du singulier. Voilà le boulot d’écrire. Non pas exacerber l’individu, mais à partir d’une vie, que le poème sauve aussi comme vie personnelle, aller vers un vivre qui soit commun, collectif, une condition d’homme, si on veut. Si le lecteur ne se reconnaît pas dans le poème, j’ai raté ; si je ne me reconnais plus dans le poème, j’ai raté également. C’est assez simple. »
Antoine Emaz – les entretiens in-finis
magnifique ce texte..merci de me l’avoir fait découvrir..sourire
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dans la même entretien (voir lien) il écrit aussi : « Disons que je constate que je ne maîtrise ni écrire ni vivre : ce sont donc deux énergies aussi puissantes l’une que l’autre, mais sans lien. Le poème est le résultat d’un choc, d’un court-circuit entre ces deux pôles. Mais il est exactement situé dans le trait d’union écrire-vivre, ou vivre-écrire, plutôt, chronologiquement parlant ». J’aime beaucoup aussi…
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effectivement…je pense même que l’art en général vient de ce trait d’union..sourire
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