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la nuit
où nous avons parlé de vous
et des autres
de ce qu’il advient
quand l’hiver inflexible dure sous la peau
un court instant
il m’a semblé voir une lune
rose

Anne Jebans-Focquet
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et
de peigner le cheveu qui dépasse
et
de revenir en arrière
et
d’obéir au tumulte des voix
et
de fouiller la beauté des visages
et
d’attraper un bras ou la bouche
et
de voir la nuit en douceur
tomber
XIX
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assez longtemps après
ce ne sont plus les dessins qui viennent
mais le bleu
.
vrai
il ne servirait à rien de retourner
.
il ne sert à rien même
de se retourner
encore
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encore que
les arbres oui peut-être les arbres
le double platane
peut-être
le vent ou le rien des ces soirs
dans la vitre et cet espèce de calme
intense
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Ce fouillis de feuilles
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de quoi fait-il vraiment
se souvenir
on se demande
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Antoine Emaz
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La guerre, la guerre ! – Encens et icones –
Les éperons jacassent,
Mais je n’ai rien à faire ni du tsar
Ni des querelles des peuples.
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Comme sur une corde fêlée
Je danse – petit danseur.
Je suis l’ombre d’une ombre. Je suis lunaire
De deux sombres lunes.
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16 juillet 1914
Maria Tsvétaieva
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Une vitre opaque dérange parfois la matière du monde
élague le rêve du regard
et nous fait toucher ce que nous ne voyons pas
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La réalité se concentre alors sur un insecte
apparemment exclu,
sur sa mort sans style,
sur le calice inerte de sa minime histoire.
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La réalité s’égoutte,
patiente distillation
qui mouille la vitre opaque
et aussi nos doigts.
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La réalité est une histoire
minime et voilée.
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Roberto Juarroz
Dan Mattews
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J’ai cru qu’on m’appelait
par mon nom
.
qu’on me tendait une main
mais c’était moi marchant
avec moi
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nulle part au monde
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Claude Estéban
Ataa Oko
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TENIR DEBOUT, dans l’ombre
du stigmate des blessures en l’air.
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Tenir-debout-pour-personne-et-pour-rien.
Non reconnu,
pour toi
seul.
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Avec tout ce qui a ici de l’espace,
et même sans parole
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Paul Célan
Willem Van Genk