(de) Sans gravité


Quelqu’un quitte

et l’on retrouve par fragments

ce qui rend la scène possible chaque fois

comme une question remplie de crevasses

se renverse sur nos vies


Hélène Dorion

Serge Clément

A partir de rien



jour

sous la cendre

sans poids

immobile

pourtant

en-dessous

un frisson d’eau

une veinule d’argile

tendre

ou plus

justement

un éclat de rien

un germe

un rai aveugle –

la chose

qui veut vivre

malgré le ciel

malgré la faim

Jan Reich

Trouble



la main effleure

la poussière des ombres

aussitôt

quelque chose cède

s’efface

au moment d’apparaître

la main insiste

palpe le vide

une brèche s’ouvre

et sur la page

tremblant

un visage nait

déjà prêt à se fendre

Caroline Dufour

On ne sait


puisque

l’ombre tisse

son propre récit

maintenant

j’hésite

la lumière ruse

s’allonge en lisière

elle feint un horizon

qui recule

mais plus loin

en moi –

souffle de vie

un seul battement

a suffi

Kati Dovellos

(de) Chemin d’éveil


s’il

convient maintenant d’ouvrir les yeux,


ce

sera comme on remonte du fond d’un lac,


brasses

lentes de la pensée,


vers

la surface enfin

où nous attend d’une seule vue


l’étrangeté

des commencements.


Patricia Castex-Menier

Marine Lanier

Jour ordinaire


obstinée

la lueur s’attarde

aux façades de la maison

ouverte

un mot fuyant

s’échappe

entre mes lèvres

les murs eux

demeurent

ils veillent

sur nos ombres

muettes

Will Hooper

Confidence


au sortir

de l’absence

le ciel s’ouvre plus vaste

plus profond

le vent geint

dans une langue familière

des oiseaux sans cri

sans poids

s’accrochent à l’ombre

s’y fondent

comme pour en adoucir

la chute

Le postier tchèque

(de) Leçons


Misère

comme une montagne sur nous écroulée.

Pour avoir fait pareille déchirure,

ce ne peut être un rêve simplement qui se dissipe.

L’homme, s’il n’était qu’un noeud d’air, faudrait-il, pour le dénouer, fer si tranchant ?

Bourrés de larmes, tous, le front contre ce mur, plutôt que son inconsistance, n’est-ce pas la réalité de notre vie qu’on nous apprend ?

Instruits au fouet.


Philippe Jaccottet

David Hurn

Seuil absolu


la rue silencieuse

traversée

de quelques fenêtres allumées

et dans l’arrière-cour

immobile

la neige

sans bruit qui recouvre les choses

est-ce mon regard qui suit ton pas

ou l’hiver

doucement qui vient

te chercher

Caroline Dufour

Dans l’après-midi


je me demande

combien de silences

il faut

pour que ton absence

se taise enfin

les ombres les arbres la pluie

le vent

me frôlent

mais le ciel est trop haut

pour y graver

le moindre nom

Dominique Hérion