le vent garde
dans sa paume
la chaleur des nuits d’été
je me tourne vers toi
épaule contre sol
quelque chose remue
c’est en-dessous
peut-être est-ce
la terre qui souffre
d’insomnie

Kathleen Meier
le vent garde
dans sa paume
la chaleur des nuits d’été
je me tourne vers toi
épaule contre sol
quelque chose remue
c’est en-dessous
peut-être est-ce
la terre qui souffre
d’insomnie

Kathleen Meier
une arche
le vent
un ciel menaçant
le ciel se penche
l’arche se fissure
et de l’ombre
surgit un regard rieur
presque insolent
après
je ne peux ni aller
ni venir
mes os claquent
dans un silence de mort
j’attends –
la vie est un rêve
dont je ne prends pas
soin

SMITH
ces oiseaux
qui tournent
sans fin
dans l’arrière-cour
de la maison à deux –
avec leurs ailes
chaque fois
un peu plus lourdes
et ces cris
dedans
jetés au vide

Daisuke Yokot
au bord du lit
asséché
dans la main d’un rocher
se fissurent
les lignes du monde
souffle – ou chute
élan – ou perte
les yeux aspirés
par ce qui se dérobe
ainsi disparaît
l’ombre qui me suivait
puis l’absence de mots
s’étend
jusqu’aux dernières
lueurs

Alain Laboile
quelque chose
s’attarde
dans le sillon de l’œil
un souffle d’ombre
peut-être
la peur
la peur de ces lueurs
confusément
qui se posent
se mêlent
jusqu’à l’érosion

Jean Fautrier
il pleut
la mer se retire du paysage
dans une barque retournée
la poésie vaut-elle la peine ?
comme si la mer se retirait
comme c’est pompeux comme c’est loin
d’un chagrin singulier
on rentre les épaules
on rentre les mots
il pleut
Véronique Wautier
Hélène Bamberger
Deux silences pour un siècle
Sur le chemin pour
l’aurore et le siècle on
croise ces jolis noms : Birkenau Lissinitchi
la Kolyma – est-ce le nom
d’une berceuse ? Le lieu-dit
de la rivière ?
tout plutôt que le silence alors
Chalamov plante la croix de Mandelstam Il empoigne
le cercueil Le porte à
son épaule et
pose le bard de bois de part en part des
colonnes
de
livres
Sylvie-E. Saliceti
Rosemarie Koczÿ
si tu tends bien
l’oreille
l’herbe mouillée
t’indique le pas
moi
je l’ai su
un matin de rosée –
le sol parlait
sans alourdir ou brusquer
j’étais là
de bonne heure
il m’a suffi d’attendre
comme un caillou
à l’écart
du chemin

Gustav Klimt
plus de rouge
ni de jaune
ni ce bleu
qui tient l’ombre en lisière
seulement la poussière
levée
dans la lumière du jour
et ces heures
sans grâce
qui s’effacent à tâtons
ce bruit ?
sans doute
un visage qui cherche
à passer

Benjamin Juhel
Commencer à écrire… devant la plage blanche, ou l’écran gris… Respirer… une phrase… une ou trois… ou le vide… Rêver… rouvrir le cahier, le fichier… laisser du blanc… Recommencer… rien de sacré… s’ennuyer… aller vers la dixième phrase… à la ligne… Marcher… nager… ouvrir le frigo… Raturer… Couper, jeter… Faire des listes… Reprendre… poursuivre… Déchirer le plan… Ou fabriquer un cadre, inventer des contraintes… Écrire à nouveau… écrire à neuf… ou à l’ancienne… Relire… Monter, recouper… Non… Jeter… Jeter toutes les transitions, abattre les échafaudages… Oui… Suggérer… Ne pas expliquer… Plier du linge, sortir le chien… Métaphores ? … Images ? … Lire… Régler la focale… Ecrire un personnage… Faire des erreurs… Combien d’adjectifs…? Lire à neuf… Oublier… Se souvenir… Accepter… Continuer… Persévérer… Chercher la justesse… la note, la mesure… le rythme, la touche… S’obstiner… glisser… Rêver encore… aller vers la porosité, vers la transe légère… Aller vers la fin… reconnaître la dernière phrase… Céder… Entendre l’avant-dernier mot… encore un… Tout changer… Finir, peut-être… Et le titre ?
Marie Darrieussecq
Y. Park