En corps



enroulés

dans le vent qui mord

la falaise

de l’arrière vers l’avant

et d’un bout à l’autre du versant

ils balancent

hilares

jusqu’à l’instant

où leurs mains cédant

ils plongent au coeur

de l’ouragan

Cédric Klapisch

(de) Les rideaux oranges


Marelle au bord des larmes ce matin, craquante

de larmes (beaux yeux en amande ou, au plus noir

de la nuit, vulgaire noix, noix aveugle ?) ; brise

légère. Mer lisse. Marelle qu’un enfant

berce de ses jeux transparents, de ses rires.


Nous serons emportés. Regardez les fleurs,

la rosée… Mais quel naufrage à cette hauteur

ridicule ?


Laurent Cennamo

(de) Errer mortelle


Pour seuls vivres

l’os du chemin

rongé par la lumière


pauvre est le sol

où s’use la pierre

sous les rafales du vent


citernes vides

remplies d’échos

sources taries dans l’air hautain


le chemin n’est que poudre d’os

dans la paume de la terre


José-Flore Tappy

Patxi Laskarai

Hypothèse


on dit

qu’il y a des mondes

parallèles au nôtre

mêmes maisons

même langue

même lumière

à l’œil nu

rien ne cloche

sauf peut-être

un détail ou deux

cette porte murée là

par exemple

ouvre encore là-bas

sur la chambre

et dans cette chambre

un homme – un presque moi

nu

patiente

un livre ouvert

entre les mains

Ryan Molnar

L’envers


tard

dans la nuit

une ombre effleure

la peau des murs

écho

ou simple habitude

sa voix –

plutôt une tiède rumeur

flotte à travers le halo bleu

sous ma tête

l’accoudoir chavire

puis je tombe à l’envers

du jour

Caroline Dufour

KAWAMURA


ce chat

noir et blanc

qui rode le soir

dans le jardin

je l’appelle

KAWAMURA

KAWAMURA

parle trois langues

prépare le thé

cuisine – dit-on

la viande blanche

il sait rouler des épaules

crache mieux qu’

un officier

ceci dit

comme il vit sans ami

le chat KAWAMURA ignore

qu’il vieillit

A Philippe Jaccottet


Ce retrait

où garder

la lumière d’hiver

et l’obscurité,

les mots très bas

rendus à la terre,

un chant qui reste

à reprendre.

La terre

Garde

arbres, chemins ;

à terre,

restent

brindilles

et lichen

où s’accroche

sur le tard

l’or peut-être

de la lumière.

Reste

une note juste

de lumière

dans un carnet

des chemins.

La nudité

ne s’oublie

pas.

Pas.


Jean Gabriel Cosculluela

Basso Cannarsa

(de) Poèmes du temps retrouvé


Une fois pour toutes

Tu as nommé

Le monde où je dois vivre

Chaque chose

Est signe

Avant d’être chair

L’arbre le blé

La vigne

Le sang des terres

M’emporte

Tu fus ma naissance

En toi

Ma mort aura lieu

J’écoute

Venir ta vie


Hélène Cadou

Ana Vallejo

(de) Poèmes d’après



La voie tracée par les oiseaux

va d’une saison à l’autre


nous traversions des jardins

à contre-courant, vers l’enfance

les eaux claires


dans le bassin

nos jeux dispersaient

le cercle des pluies


fétu de paille, je savais brûler

quand toi, chêne d’hiver

accueillais la neige sur tes branches


Mes mains sur tes yeux clos

Là est le temple.


Cécile A. Holdban

Matthias Olmeta

(de) Seule enfance


des choses si simples

une chambre, un lit

quelqu’un qui dort

ou qui ne dort pas

une respiration de mots

jamais dits

entre les murs

qui abritent ailleurs

maintenant


Heather Dohollau

Gregory Crewdson