Psaume

 

Tout est vanité.

une ville se vautre dedans,

relève-toi de la poussière de cette ville,

surmonte la charge,

et fais semblant

d’aller vers un bénévolat.

tiens tes promesses

devant un miroir aveugle dans l’air,

devant une porte fermée dans le vent,

les chemins abrupts du ciel ne sont pas foulés.

 

Ingeborg Bachmann

Kelly Hussey Smith

La faille

 

un feu

sinue

dans la nuit

il reporte

sur les murs

des visages

que le sommeil n’atteint pas

le tien

est teint d’ivoire

il fait partie de ceux-là

il n’est

ni tout à fait tien

ni tout à fait autre

il est cette image

que la main caressait

autrefois

 Alberto Lara

Dédicace



la nuit

parfois

quand les mots

s’affranchissent

et que le poème trouve

sa raison d’être

 Collin Avery

La matinale



dans le creux

du jour

à force de rien

un filet d’ombre sourd

dans les voix du par-delà

effroi

de ce long récit où l’avide

inlassable

triomphe de nos âmes

du plus bas que le bas

jusqu’à ne voir

que les dépouilles

et les doutes

en même temps

ainsi répandue sur le drap

les yeux mi-clos

je te cherche

un prénom

terrain-vague

Marijane Ceruti

de (LES CRIS VAINS)

 

Personne à qui pouvoir dire

que nous n’avons rien à dire

et que le rien que nous nous disons

continuellement

nous nous le disons

comme si nous ne nous disions rien

comme si personne ne nous disait

même pas nous

que nous n’avons rien à dire

personne

à qui pouvoir le dire

même pas à nous

 

Gherasim Luca

 

Clarté intérieure

 

La mer,

seule

au bout du ciel

 

écroulée en nous

comme  une pluie

limpide de l’été,

 

sous le clair de lune,

elle hume l’encens

et la myrrhe en nous.

 

Sonia Elvireanu

Vers les abysses



avant

l’endroit grouillait

de ces femmes-poissons

que les marins disent

sirènes

il y avait

des épaves pleines

de mauvais or

on entendait

les chants plein de joie

 et d’ivresse

la lumière semblait

si proche

tv5

 Trent Park

(de) Les chiens romantiques

 

Et parfois je rentrais en moi

et je rendais visite au rêve

: statue qui s’éternise

en des pensées liquides,

un ver blanc qui se tord

dans l’amour.

Un amour débridé.

Un rêve dans un autre rêve.

Et le cauchemar me disait : tu grandiras.

Tu laisseras derrière toi les images de la douleur et du labyrinthe

et tu oublieras.

Mais en ce temps-là grandir aurait été un crime.

Je suis ici, dis-je, avec les chiens romantiques

et c’est ici que je vais rester.

 

Roberto Bolano

Sohrab Hura

 

 

Voyage

 

Nous finîmes par sortir

de la brume de la nuit.

A présent, personne ne reconnaissait personne.

Le sens, nous l’avions perdu en chemin.

Personne ne demanda non plus avec insistance :

Qui es-tu ?

 

Répondre, nous ne le pouvions pas.

Nous avions perdu

nos noms.

 

Loin de là, le tonnerre

venu d’un cœur qui ne cède pas

déjà à l’œuvre.

Nous écoutions sans comprendre.

Nous étions arrivés au plus lointain des lointains.

 

Tarjei Vesaas

Marco Arguello

(de) Si nous allions vers les plages

Ce soir

La nuit est bleue

 

Avec un parfum de girofle

Sous la pierre lente et chaude

 

Tu vas et viens

De ton cœur

Au jardin

 

Et le pouls des planètes

Pourrait cesser de battre

 

Sans que la peur

Ne soit nommée

Dans la douceur des choses.

 

Hélène Cadou

 Miguel Hernandez