Le bûcher


le souffle

du froid

la buée aux lèvres

l’hiver se lève

et je vis

encore

les fenêtres ouvertes

la chambre boit

la lumière

passe une heure

puis deux

j’hésite –

longtemps

j’ai cru

que nos vies

nous suivraient

et que nos marées

peut-être

un jour

s’accorderaient

Caroline Dufour

Premières lueurs



ce long filet

de lumière

déjà

dans la chambre immobile

des oiseaux

tout en haut

pépient

d’arbre en arbre –

que sommes-nous

devenus

à leurs yeux

et pourquoi

faut-il encore

que le matin

t’appartienne

Caroline Dufour

Ne pas savoir est Bouddha


au soir

lentement

jusqu’à sentir ta main

caresser ma nuque


j’éteins la lampe –

la lumière

ne peut décider de tout

et reprenant

le mantra qui nourrit

l’hiver –


mille fois la rivière

mille fois la rivière


mille fois la rivière


je souris

comme sourirait

un petit vieux

Caroline Dufour

Mantra



la nuit

à peine

de nous pour nous

sur le papier

à voix basse

j’écris –

mille fois la rivière

mille fois la rivière


mille fois la rivière

Caroline Dufour

Ami


le givre

les poumons

le ciel gris

le silence à même

les os

voilà tout

ce que j’ai – ami

à confier

je marche

entre deux bords

ma tête résonne

de peu

je vais

sans même savoir

si je vais

à l’endroit

où tu es

Caroline Dufour

Parc du Portugal


Parc

du Portugal

le chant

des oiseaux

que le soir agite

la ville s’ouvre

un souffle

dans les branches

la lumière se retire

nous sommes

peut-être

cent ou mille

corps ainsi dispersés

sous la maison

aux volets fermés

soudain

une voix s’élève

elle chante

un premier vers

les visages

s’irradient

Caroline Dufour

Vers onze heures


et puis

c’est le jour d’après

différent – plus las

peut-être

les rues sont vides

il manque

la joie

la chair le nombre

de quoi trouver

l’oubli

sur un mur

en retrait

à la craie j’écris –

si j’étais un arbre

j’ouvrirai mes bras

pour étouffer

la lumière

 Caroline Dufour

Le corridor

j’entrouvre le rideau

dans le ventre céleste

où nos sangs d’humains se mêlent

je marche vers la cuisine

toujours ce même rêve

d’embrasser l’insatiable sans y perdre le vent

et je pense à la mer

étendue et ouverte

sauvage et pleine d’ombre

Caroline Dufour

(texte et image)