cinq


l’or du matin

dissipe

les visages de la nuit

m’animant

je tire

le songe vers le papier blanc

mais sitôt

sortant de sa cage

la bête silencieuse

revient

Bruno Munari

quatre



un homme nu

ruisselant

dans l’éponge d’un drap

et cette ombre tapie

dans son dos

l’ombre s’écarte

sourit

le songe devient

alors l’endroit où nous vivions

autrefois –

que fais-tu ici

me demandes-tu

d’une voix blanche

Josef Hofer

trois


au plus obscur

descendent les scripts

de l’intime

ils vont

jusqu’aux lieux défendus

d’où nous regardent

incrédules

des créatures informes

qui disent être

nos semblables

le silence

de leurs voix fondues

dans l’oubli

Bekki Komei

deux



un visage resurgit

caché sous la peau

bouche froncée de peur

œil noyé

jusqu’à l’effacement

sueur tiède et rance

la joue appuyée

sur une main – simple prothèse

qui pend au bord

d’un creux

Ataa Oko

Le bûcher


le souffle

du froid

la buée aux lèvres

l’hiver se lève

et je vis

encore

les fenêtres ouvertes

la chambre boit

la lumière

passe une heure

puis deux

j’hésite –

longtemps

j’ai cru

que nos vies

nous suivraient

et que nos marées

peut-être

un jour

s’accorderaient

Caroline Dufour

Ne pas savoir est Bouddha


au soir

lentement

jusqu’à sentir ta main

caresser ma nuque


j’éteins la lampe –

la lumière

ne peut décider de tout

et reprenant

le mantra qui nourrit

l’hiver –


mille fois la rivière

mille fois la rivière


mille fois la rivière


je souris

comme sourirait

un petit vieux

Caroline Dufour

Effusion


et dans ce rien

si dense

quelque chose veille –

un fil tendu

de la gorge au ventre

pas même une pensée

juste le poids de rester là

sans nom

sans nuit

et l’oreille ouverte

à ce qui ne vient

jamais


Caroline Dufour

Mantra



la nuit

à peine

de nous pour nous

sur le papier

à voix basse

j’écris –

mille fois la rivière

mille fois la rivière


mille fois la rivière

Caroline Dufour