(de) La clef d’or


Cette nuit le diable avait forte carrure

tenant sa proie de solitude croyait-elle


un bleu pur nous réveille


quelle ombre de toi s’est nouée à mes plis


me déprendre

délivrer tout mon dû frissonnant

je, nue, à l’ombre déployée


plus de quarante foulées dépensées

sans visible sésame


enfin la source pleure

et la forêt gorgée de nids


Sabine Dewulf

Richard Tuchman

Circonstances – 6



quelque chose

respire sous la nuit

j’ouvre l’oeil

un souffle vient mêler

l’aube au silence

puis un mot se glisse

et dans l’interstice

ton visage réapparait

Jean Paul Riopelle

Circonstances – 7


la nuit rentre

ses griffes

tu sanglotes à peine

je me tais

la cendre reste tiède

il y aura demain

des sourires blancs

et ce mensonge –

aller comme si

de rien n’était

Alberto Burri

(de) Première suite


une idée un reflet

ne plus sentir le sol


dire détours déboires coups de dés

ignorance

encore les nerfs

un coin de peau


et le geste unique

savoir pourquoi les gens vivent

trop de bouches


d’odeur spirituelle

écriture aigre


tant de virtualité

renvoie à la mort

on coupe

par réalisme


Bernard Noël

Anthony Morel

Circonstances – 5



le silence

à présent suinte

épais poisseux sans fond

tu es là

immobile

effigie noire couverte de cendre

je scrute dans l’ombre

une fêlure mince –

ce presque rien

par où le mot pourrait

renaitre

Toshimitsu Imai

(de) Si belle rétive


Ombre glissant dans l’ombre

chassée par l’ombre la chassant

à travers troncs branches et feuilles

tu te glisses


La plante de tes pas


Tu agites les eaux

les déploies en rouleaux frangés

qui feuillettent les terres

les étagent

déplient


de page en page


Raphaël Monticelli

Mikiya Takimoto

Circonstances – 3


même le sol

semble fléchir sous le poids

de ce qui ne peut

apparaître

chaque souffle

chaque geste -éclat dispersé

dans l’ombre épaisse

est une tentative à

 nouveau d’être

mais toi – au bord du cri

tu n’as ni mot ni phrase

pour lever les brulures

de l’au-delà

Jean Dubuffet

Circonstances – 2


chaque soir

un peu plus

le pont s’étire

sous tes pas

après une entaille rouge

ouvre le ciel tu entends –

ou peut-être pas

des voix qui appellent

ton corps s’agite

avant de rejoindre ceux

sans visage

que le feu entreprend

Asger Jorn

Circonstances – 1


le réverbère

froissant l’asphalte

la nuit hésite

à tomber

je sens tes doigts serrer

mon poignet

tu dis –

il faudrait voir

au creux des visages

ce que la lumière échoue

à faire exister

Jean Fautrier

Convoi


ce souffle ancien

celui du vent dans les hautes herbes

celui du temps que l’on nomme

dieu

les jours passent

en filigrane –

nid d’ombre et de lumière

quand nous

frêles silhouettes

marchons toujours

en suivant la trace

des oiseaux

Makoto Fukui