(de) Creuser la nuit


Creuser

– seule loi, pour qui encor s’obstine

à désirer : l’espace autour de nous

a fondu, là-bas n’est plus

qu’au-dedans – seul

labyrinthe


Sylviane Dupuis

SMITH

L’usure du jour


la trace

fine –

presque effacée

de ce qui insiste

non pour peser

mais pour que le souffle

tienne

comme cet instant

à peine

filament sur la joue

qui glisse

sans bruit

au-dessus de l’os

Serge Clément

(de) Se recoudre à la terre



on n’en fait rien de

la neige

(toute l’épaisseur de

ce monde dans une fenêtre)

tout juste se demande-t-on

comment ce sera une fois

que tout aura fondu

si la vie sera la

même

et si c’est bien la neige

qui bloque les siens

dans le

silence


Sophie G. Lucas

Sigmar Polke

Je cherche un mot 2/2



ce mot

sans bord ni creux

ne dirait pas le nom des choses

il serait un passage

et sans même ouvrir les yeux

tu saurais qu’il reste

quelque chose de sain et sauf

tu lancerais alors

dans un souffle à peine –

je n’efface rien

j’habite en moi

Caroline Dufour

Je cherche un mot – 1/2



je cherche

un mot –

poreux peut-être

qui ne nierait ni la nuit

ni les murs lézardés

ni les corps encore tremblants

d’avoir aimé

ce mot serait un tesson tiède

dans la paume ouverte

il pourrait

garder la beauté de ce qui fut

sans jamais rien

commettre

Caroline Dufour

Témoignage



sur l’épaule

se pose

la main légère du temps

puis un souffle

dans l’attente muette d’un mot

d’un frisson

mais la pierre

en creux

garde encore le son de ton pas

l’œil vacille – pleurer

ou s’ouvrir

il ne tranchera pas

Harry Gruyaert

(de) Au bord


D’autres phrases plus proches que les miennes

D’autres silences mieux découpés


Civière, bras inconnus, couloir, ciel, ciel


Tellement plus de feuilles sur les arbres

La ressemblance, trace et oubli


Dans cette histoire quelqu’un lance une flèche, s’en va mourir où la flèche tombe

Ou bien c’est un souvenir de forêt, de courage


Sereine Berlottier

David Alan Harvey

L’accalmie



ne chercher

que le rythme lent

quelque part

entre la mer

et la peau

le jour se défait

en filaments pâles

l’ombre

comme en songe

se laisse frôler

et le silence si inondant

devient le cœur même

du paysage

Jean Louis Saiz

(de) Au bord

Debout mais

plus grande couchée moins

atteinte tout

recommence


Curieusement les oiseaux survivent les

fleurs survivent les arbres ne sont

pas arrachés ni la toile d’araignée

dans l’angle du volet secoué


L’écume vise

l’obstination d’une parole

que la répétition

ne désagrège pas


revient

sans venir à bout d’une

phrase

qui dirait

l’épuisement

du rivage


mère-vague et tempétueuse


Sereine Berlottier

Jean Louis Saiz

Propos de l’après


dans

la blancheur

du songe

pas de mot

pas de cri

pas même

un nom qui viendrait

creuser une explication

seulement

le silence

épais

comme une main pleine

de lumière

et ce souffle –

baume

sur la plaie encore

ouverte

Pierrette Bloch