tandis que l’œil
s’enfonce
dans le reflet de l’après
plus étroit
plus pâle
le défaut de mots tient
la douleur debout –
il faudrait
que le vent porte au loin
la vie d’avant
avec tous ces visages
rieurs
à jamais figés
sous la neige

Will Hopper
jamais le cœur si grand
qu’en haut d’une falaise
la place pour qu’il s’étende
ouvre son ciel
plein soleil
plein vent
être à soi à l’autre
au monde
pleinement
Mélanie Leblanc
Bertrand Delai
châteaux
de fer et nuits d’orage
artifices détrempés
esprits –
pareillement au songe
aliénés
sable poussière
nid de poussières
mots écornés
quoi d’autre
encore
l’aube est silence
d’un conduit de fumée
les mot rougis d’une existence
passée
la peur
l’ambigüité – suis-je bien
celui que tu as aimé
?

Kati Dovelos
dans l’angle où on dort, une équerre de bois ferme le ciel, on écoute la nuit descendre dans la voix la plus basse, un souffle court dans les feuilles par l’herbe plaquée, couleur de bête morte, sous le temps qui penche disparaît un pays sans bruit, les mains serrent sur le drap le froid découpé vif dans la fenêtre, où on regarde on ne rejoint plus rien, on respire mal par les trous du sommeil, la lampe n’éclaire pas dehors, à peine un faisceau de gris aux bords rongés, et l’humidité des arbres, mais à portée des yeux le fil droit des rainures de sapin, la nuit de la fenêtre, plus noire dans le noir quand on allume la petite ampoule, une bête longe la barrière
Mary-Laure Zoss
Patxi Laskarai
vitres claires
un oiseau –
échappée lente
dans le ciel tremblé
les branches nues
d’autres départs
en silence
comme si rien ne pesait
un couple passe
dans la lumière blanche
leurs rires
une lumière proche
ton visage – un instant
ta bouche
un mot inachevé
tout ce que novembre prend
sans rien retourner

Katya Kalyska
enroulés
dans le vent qui mord
la falaise
de l’arrière vers l’avant
et d’un bout à l’autre du versant
ils balancent
hilares
jusqu’à l’instant
où leurs mains cédant
ils plongent au coeur
de l’ouragan

Cédric Klapisch
Marelle au bord des larmes ce matin, craquante
de larmes (beaux yeux en amande ou, au plus noir
de la nuit, vulgaire noix, noix aveugle ?) ; brise
légère. Mer lisse. Marelle qu’un enfant
berce de ses jeux transparents, de ses rires.
Nous serons emportés. Regardez les fleurs,
la rosée… Mais quel naufrage à cette hauteur
ridicule ?
Laurent Cennamo
Pour seuls vivres
l’os du chemin
rongé par la lumière
pauvre est le sol
où s’use la pierre
sous les rafales du vent
citernes vides
remplies d’échos
sources taries dans l’air hautain
le chemin n’est que poudre d’os
dans la paume de la terre
José-Flore Tappy
Patxi Laskarai
on dit
qu’il y a des mondes
parallèles au nôtre
mêmes maisons
même langue
même lumière
à l’œil nu
rien ne cloche
sauf peut-être
un détail ou deux
cette porte murée là
par exemple
ouvre encore là-bas
sur la chambre
et dans cette chambre
un homme – un presque moi
nu
patiente
un livre ouvert
entre les mains

Ryan Molnar