Jusqu’où dénouer ? (3/8)



tandis que l’œil

s’enfonce

dans le reflet de l’après

plus étroit

plus pâle

le défaut de mots tient

la douleur debout –

il faudrait

que le vent porte au loin

la vie d’avant

avec tous ces visages

rieurs

à jamais figés

sous la neige

Will Hopper

(de) Des falaises


jamais le cœur si grand

qu’en haut d’une falaise


la place pour qu’il s’étende

ouvre son ciel


plein soleil

plein vent


être à soi à l’autre

au monde


pleinement


Mélanie Leblanc

Bertrand Delai

Souviens-toi de demain


châteaux

de fer et nuits d’orage

artifices détrempés

esprits –

pareillement au songe

aliénés

sable poussière

nid de poussières

mots écornés

quoi d’autre

encore 

l’aube est silence

d’un conduit de fumée

les mot rougis d’une existence

passée

la peur

l’ambigüité – suis-je bien

celui que tu as aimé

?

Kati Dovelos

(de) Le noir au ciel

dans l’angle où on dort, une équerre de bois ferme le ciel, on écoute la nuit descendre dans la voix la plus basse, un souffle court dans les feuilles par l’herbe plaquée, couleur de bête morte, sous le temps qui penche disparaît un pays sans bruit, les mains serrent sur le drap le froid découpé vif dans la fenêtre, où on regarde on ne rejoint plus rien, on respire mal par les trous du sommeil, la lampe n’éclaire pas dehors, à peine un faisceau de gris aux bords rongés, et l’humidité des arbres, mais à portée des yeux le fil droit des rainures de sapin, la nuit de la fenêtre, plus noire dans le noir quand on allume la petite ampoule, une bête longe la barrière


Mary-Laure Zoss

Patxi Laskarai

Jusqu’où dénouer ? (1/8)


vitres claires

un oiseau –

échappée lente

dans le ciel tremblé

les branches nues

d’autres départs

en silence

comme si rien ne pesait

un couple passe

dans la lumière blanche

leurs rires

une lumière proche

ton visage – un instant

ta bouche

un mot inachevé

tout ce que novembre prend

sans rien retourner

Katya Kalyska

En corps



enroulés

dans le vent qui mord

la falaise

de l’arrière vers l’avant

et d’un bout à l’autre du versant

ils balancent

hilares

jusqu’à l’instant

où leurs mains cédant

ils plongent au coeur

de l’ouragan

Cédric Klapisch

(de) Les rideaux oranges


Marelle au bord des larmes ce matin, craquante

de larmes (beaux yeux en amande ou, au plus noir

de la nuit, vulgaire noix, noix aveugle ?) ; brise

légère. Mer lisse. Marelle qu’un enfant

berce de ses jeux transparents, de ses rires.


Nous serons emportés. Regardez les fleurs,

la rosée… Mais quel naufrage à cette hauteur

ridicule ?


Laurent Cennamo

(de) Errer mortelle


Pour seuls vivres

l’os du chemin

rongé par la lumière


pauvre est le sol

où s’use la pierre

sous les rafales du vent


citernes vides

remplies d’échos

sources taries dans l’air hautain


le chemin n’est que poudre d’os

dans la paume de la terre


José-Flore Tappy

Patxi Laskarai

Hypothèse


on dit

qu’il y a des mondes

parallèles au nôtre

mêmes maisons

même langue

même lumière

à l’œil nu

rien ne cloche

sauf peut-être

un détail ou deux

cette porte murée là

par exemple

ouvre encore là-bas

sur la chambre

et dans cette chambre

un homme – un presque moi

nu

patiente

un livre ouvert

entre les mains

Ryan Molnar

L’envers


tard

dans la nuit

une ombre effleure

la peau des murs

écho

ou simple habitude

sa voix –

plutôt une tiède rumeur

flotte à travers le halo bleu

sous ma tête

l’accoudoir chavire

puis je tombe à l’envers

du jour

Caroline Dufour