Annales



Chaque jour

en rentrant à la maison

je n’arrive pas à reconnaître les saisons

pourtant les roses la neige le raisin

il y a ta voix pourtant

à chaque fois des décennies passent

comment faire

je ne m’en souviens pas


Mia Lecomte

Araki

Muse / 4



la nuit

sculpte dans l’air

un être

de fugue et d’absence

je le vois naitre

par la fissure du sommeil

chacun sait pourtant

que rien ne traverse

la blancheur

des rêves

Clarence Hudson White

Muse / 3



le jour

lentement respire

entre deux arbres

l’instant est là

nu

on dirait

que le monde s’y tient

tout entier

même un nom – venant

serait comme un souffle

sur la poussière

d’or

Maria-José Arjena

Première personne du singulier



des ailes défiant les secondes

volent dans mon jardin

pour le doux nectar

et l’air vif 

du chèvrefeuille taillé

lune basse et hautaine

de ce dernier jour d’août

première personne, singulier –

un amour non partagé


Elis Podnar

Viet Ha Tran

Muse / 2




tu arriveras

non du lieu

mais du soir

frémissant

l’instant sera

sans contour

rien ne sera dit –

le vent la poussière

même ces traces

dans le sable

tout cela ira

vers l’évidence

Veronique Van Hoorick

Une balançoire


Sous la balançoire

deux sillons parallèles

tracés à coups de pieds

comme coups de dents

dans un fruit vert

la terre labourée exhale le jeu – l’envol à peine

pendule entre ciel et terre

la chanson du bois ouvre sur tant de mondes

dans le grincement des cordes

se lève la brise du large

les voyages de l’enfance

sans frontières ni langage

une planche dans le désert

source des imaginaires innocents


Ada Mondès

Alain Laboile

Muse / 1



quelqu’un

peut-être toi

ramasse la flèche

et la porte à ses lèvres

elle y trouve

un reste de chaleur

humaine

un visage

dont elle connait

le nom

Jack Davidson

Développement personnel



voyage

du souffle de la poitrine

à la mer

le temps oublie

enfin

son décompte immarcescible

et dans le vent où la langue se tord

s’incline

l’ombre

bouffie d’orgueil devine

la lumière

Bernard Drouillet

Levant


l’œil

le long du soir

se mêle à la rumeur des pierres

à la poussière

du ciel qui prend feu

il égrène les ombres lasses

les lieux

par où l’amour est passé

il a le goût de l’encre noire –

n’en déplaise à sa propre écriture

il se souvient

autant du miroir tremblé

que du visage en-dedans

qui pleure

Caroline Dufour

Si ce n’est toi




la mer

plus sourde

plus lente

avec un trait d’écume

sans cesse

à l’abord du rivage

l’air retient

la chaleur du jour

la main s’y accroche

comme un oiseau au ciel

le silence

du poème pour ne rien

érafler

Valentina Luraghi