Tête bêche



au seuil de pierre

sans but ni volonté

je m’écarte

comme si le cours des choses

m’était étranger

le soir tombe

l’œil rougit l’instant

j’écris

à voix basse des mots

pour penser

Fernand Desmoulin

Sans titre


Je t’avais

dit

que nous creuserions

le ciel

ensemble

nous regarderons      nous

endormirons  sur

les 3 grèves    il y a

longtemps      nous avions

vécu dans les musiques

des cités très loin

tendions les cordes

te voilà

j’ai attendu

que l’on ouvre

la grille.

Peut-être nos

bouches à ronces

n’avaient pas encore

bu.


Esther Tellermann

JK Lavin

Huis clos



le vent garde

dans sa paume

la chaleur des nuits d’été

je me tourne vers toi

épaule contre sol

quelque chose remue

c’est en-dessous

peut-être est-ce

la terre qui souffre

d’insomnie

Kathleen Meier

La vérité vraie



une arche

le vent

un ciel menaçant

le ciel se penche

l’arche se fissure

et de l’ombre

surgit un regard rieur

presque insolent

après

je ne peux ni aller

ni venir

mes os claquent

dans un silence de mort

j’attends –

la vie est un rêve

dont je ne prends pas

soin

SMITH

L’oiseleur


ces oiseaux

qui tournent

sans fin

dans l’arrière-cour

de la maison à deux –

avec leurs ailes

chaque fois

un peu plus lourdes

et ces cris

dedans

jetés au vide

Daisuke Yokot

Les deux empires


Je ferme à demi les yeux

je tends une main

et je divise

d’un coté

il y a l’empire

de la fenêtre

de l’autre

l’empire

de la porte

de même le pape

après la découverte

de l’Amérique

a partagé le continent

entre Espagnols

et Portugais

mais je ne suis pas

le pape

je suis

qu’un pauvre type qui est seul

et regarde.


Alberto Moravia

Jean Munoz

En forêt



au bord du lit

asséché

dans la main d’un rocher

se fissurent

les lignes du monde

souffle – ou chute

élan – ou perte

les yeux aspirés

par ce qui se dérobe

ainsi disparaît

l’ombre qui me suivait

puis l’absence de mots

s’étend

jusqu’aux dernières

lueurs

Alain Laboile

Poétiser



quelque chose

s’attarde

dans le sillon de l’œil

un souffle d’ombre

peut-être

la peur

la peur de ces lueurs

confusément

qui se posent

se mêlent

jusqu’à l’érosion

Jean Fautrier

(de) Traverso


il pleut

la mer se retire du paysage

dans une barque retournée

la poésie vaut-elle la peine ?

comme si la mer se retirait

comme c’est pompeux comme c’est loin

d’un chagrin singulier

on rentre les épaules

on rentre les mots

il pleut


Véronique Wautier

Hélène Bamberger

(de) Je compte les écorces de mes mots



Deux silences pour un siècle


Sur le chemin pour

l’aurore et le siècle on

croise ces jolis noms : Birkenau Lissinitchi

la Kolyma – est-ce le nom

d’une berceuse ? Le lieu-dit

de la rivière ?


tout plutôt que le silence alors


Chalamov plante la croix de Mandelstam Il empoigne

le cercueil Le porte à

son épaule et

pose le bard de bois de part en part des

colonnes

de

livres


Sylvie-E. Saliceti

Rosemarie Koczÿ