Cendres (9/9)


UNE LARME

à demi

sur ma joue blême –

je n’ai jamais su bien dire

les choses

je les regarde

de loin

s’effondrer

j’habite

là où le rêve commence – ce corps

que l’océan emporte

et c’est après

toujours après

que le doute s’installe –


qu’allions-nous

faire là-bas / à quoi songeais-tu

dans cette voiture / à la nuit

au temps qui reste / à l’océan / à l’inachevé

aux monstres de laideur

à nos petites lâchetés


mort

l’es-tu vraiment

et quand bien même

pour combien de temps

?

Robert Adams

Cendres – épilogue



ASSISE

sur un carré d’azur

l’œil las

la bohémienne –

brûle-encens et tarots à nu

lance –

que veux-tu encore

ce que je dis

et que tu peux entendre

le voici –


le remords voile

les lueurs du matin

Hugo Pratt

Tension


J’appelle quelqu’un qui appelle

le pont est long et vide

Je cours vers la réconciliation

l’asphalte est violent les réverbères

qui s’écartent

et les rails enflés

qui traversent le cœur

J’appelle quelqu’un qui appelle

quelqu’un qui appelle…


Inger Christensen

Shin Noguchi

Cendre (8/9)


DANS LA PARTIE BLANCHE

de ce que je célèbre

l’œil

pour celui qui endure

fait un dernier voyage

au cœur de l’océan

quelque chose

en moi

se détache du réel

mais la mort – je sais

n’eût pas été plus belle

là-bas

Rehaf Al Batniji

(de) Renverse du souffle



(JE TE CONNAIS, tu es très courbée

Et moi, le transpercé, te suis assujetti.

Où flambe un mot qui témoignerait pour nous deux ?

Toi – tout à fait réelle. Moi – tout entier folie)


Paul Celan

Bertrand Delais

(de) Entrer rebelle en ère de deuil


Elaborant ma finitude

sans me laisser devenir

monstre

je m’aime aménité


Ne disant rien

préoccupée par un mirage

sans mot pour le décrire

je me forge un visage

entrant en dieu-de-moi

en maître-dieu-de-moi


Je veux

Je sais

Je veux.


Françoise Coulmin

Julia Tatarchenko

Cendres (7/9)


AU BOUT DE LA ROUTE

une langue de sable

cerclée

d’une ville assoupie

joues fraiches

l’œil rond –

dans le mouton blanc

des vagues

je vois

le dessus de ton crâne

qui flotte

comme une bouée –

ce qui n’a pas été

est l’objet-même

du souvenir

Claire Dias Lachèse

Cendres (6/9)


IMAGE

que l’œil rend

à l’esprit –

la route s’efface

vers l’ouest

nuit sans bord

musique lointaine

presque rien

tu dors à l’arrière

je conduis

revenant au poème

je note ici –

bleue hier

aujourd’hui grise

la mer en songe

flateries

Jean Pierre Cobra

* Hanne Bramnes

Cendres (5/9)



A FORCE DE RIEN

l’œil retrouve le songe

dans sa fixité

il le remonte


dans le sens inverse

de la fuite

du courant *


pour y celer –

une bonne fois pour toutes

l’absence

Suzuki Mayumi

* Danièle Faugeras

Cendres (4/9)


DANS L’ERRANCE

l’œil troublé

j’implore

un signe

un geste

un reste de souflle

quelque chose pour te figurer

car dans ce qui reste –

vois-tu

tu n’as qu’un âge

tu souris

et tu ne portes jamais

d’ombre

Caroline Dufour