Disjoindre



ce corps

tenu au silence

veut repartir

je l’ai senti

l’autre soir

dans l’éclat d’un geste

mal posé

rien d’autre

j’étais seul

à nu

sur la pointe des os

tout était là

le vide

l’effort d’y tenir

et cette lumière ouverte

dans les yeux

comme le cri d’un tissu

qu’on déchire

trente Park

Si rien ne reste


une ombre

furtive

glisse au long du mur

je tends une main

sans l’atteindre

son souffle

léger

effleure encore mes lèvres

pourtant

dans ce vide

que rien ne comble

une paix s’avance

sèche et nue –

le doux vertige

de ne plus avoir à nommer

l’attente

Dolorès Marat

Poème de l’après


je te vois

face à l’eau

le dos droit

comme un refus

tu ne dis rien

et j’aime tant

ce rien-là

les arbres passent

lentement

sur le chemin

la pluie

n’a plus besoin

d’excuses

dans chaque silence

je cherche le mot

que tu retiens

Caroline Dufour

(de) La clef d’or


Cette nuit le diable avait forte carrure

tenant sa proie de solitude croyait-elle


un bleu pur nous réveille


quelle ombre de toi s’est nouée à mes plis


me déprendre

délivrer tout mon dû frissonnant

je, nue, à l’ombre déployée


plus de quarante foulées dépensées

sans visible sésame


enfin la source pleure

et la forêt gorgée de nids


Sabine Dewulf

Richard Tuchman

Circonstances – 6



quelque chose

respire sous la nuit

j’ouvre l’oeil

un souffle vient mêler

l’aube au silence

puis un mot se glisse

et dans l’interstice

ton visage réapparait

Jean Paul Riopelle

Circonstances – 7


la nuit rentre

ses griffes

tu sanglotes à peine

je me tais

la cendre reste tiède

il y aura demain

des sourires blancs

et ce mensonge –

aller comme si

de rien n’était

Alberto Burri

Circonstances – 5



le silence

à présent suinte

épais poisseux sans fond

tu es là

immobile

effigie noire couverte de cendre

je scrute dans l’ombre

une fêlure mince –

ce presque rien

par où le mot pourrait

renaitre

Toshimitsu Imai

(de) Si belle rétive


Ombre glissant dans l’ombre

chassée par l’ombre la chassant

à travers troncs branches et feuilles

tu te glisses


La plante de tes pas


Tu agites les eaux

les déploies en rouleaux frangés

qui feuillettent les terres

les étagent

déplient


de page en page


Raphaël Monticelli

Mikiya Takimoto

Circonstances – 3


même le sol

semble fléchir sous le poids

de ce qui ne peut

apparaître

chaque souffle

chaque geste -éclat dispersé

dans l’ombre épaisse

est une tentative à

 nouveau d’être

mais toi – au bord du cri

tu n’as ni mot ni phrase

pour lever les brulures

de l’au-delà

Jean Dubuffet

Convoi


ce souffle ancien

celui du vent dans les hautes herbes

celui du temps que l’on nomme

dieu

les jours passent

en filigrane –

nid d’ombre et de lumière

quand nous

frêles silhouettes

marchons toujours

en suivant la trace

des oiseaux

Makoto Fukui