Amarna



: qu’adviendra-t-il de l’espace

qui m’appartient quand

je n’y serai plus ?

dans l’ombre.

sur le dos.

je me souviens.

je veux oublier.

je ne suis pas plus vieille

que je ne le fus jamais : détail de mon visage

dans le miroir gravé par mes ongles :

écouter dans l’ombre.

avec quelle peine

mon cœur bat.


Mila Haugová

Emmanuelle Becker

Ainsi le soir



ton visage

se détourne vers un rang

de pierres desséchées

juste en dessus

la lenteur rousse boit

la lumière du soir

je te parle – encore des mots

sans adresse

ni poids

comme si les ronces étaient

la seule conscience

du jardin

Michel Dheurle

Tel quel



ce fil

mince de lumière

sur l’épaule du soir

le mur

s’empare de l’éclat

l’ombre cède

et sur l’envers

apparait

ce qui au jour

s’ouvre

en secret

Marchi

(de) Un voyage sans nom



J’ai marché avec les navires

me suis tenue près des ponts

on m’a jetée à la rue

avec les feuilles tombées des ormes.

J’ai possédé un automne

un nuage de lumière

près d’une sombre cheminée

et un nom étrange

que personne n’a pu deviner.


Leah Goldberg

Newsha Tavakolian

Tête bêche



au seuil de pierre

sans but ni volonté

je m’écarte

comme si le cours des choses

m’était étranger

le soir tombe

l’œil rougit l’instant

j’écris

à voix basse des mots

pour penser

Fernand Desmoulin

Sans titre


Je t’avais

dit

que nous creuserions

le ciel

ensemble

nous regarderons      nous

endormirons  sur

les 3 grèves    il y a

longtemps      nous avions

vécu dans les musiques

des cités très loin

tendions les cordes

te voilà

j’ai attendu

que l’on ouvre

la grille.

Peut-être nos

bouches à ronces

n’avaient pas encore

bu.


Esther Tellermann

JK Lavin

Huis clos



le vent garde

dans sa paume

la chaleur des nuits d’été

je me tourne vers toi

épaule contre sol

quelque chose remue

c’est en-dessous

peut-être est-ce

la terre qui souffre

d’insomnie

Kathleen Meier

L’oiseleur


ces oiseaux

qui tournent

sans fin

dans l’arrière-cour

de la maison à deux –

avec leurs ailes

chaque fois

un peu plus lourdes

et ces cris

dedans

jetés au vide

Daisuke Yokot

En forêt



au bord du lit

asséché

dans la main d’un rocher

se fissurent

les lignes du monde

souffle – ou chute

élan – ou perte

les yeux aspirés

par ce qui se dérobe

ainsi disparaît

l’ombre qui me suivait

puis l’absence de mots

s’étend

jusqu’aux dernières

lueurs

Alain Laboile

(de) Traverso


il pleut

la mer se retire du paysage

dans une barque retournée

la poésie vaut-elle la peine ?

comme si la mer se retirait

comme c’est pompeux comme c’est loin

d’un chagrin singulier

on rentre les épaules

on rentre les mots

il pleut


Véronique Wautier

Hélène Bamberger