Cendres (2/9)


DANS LA BÉANCE

lieu saturé

de cris

et de couleurs

vivent

au bord même de l’effacement

les monstres de laideur

ils sont

selon

dedans

dehors

ou pas

ils sucent – dis-tu

le blanc de nos silences

ils attendent

muets

l’heure qui renonce

Jean-Pierre Cobra

(de) L’enfant de la falaise


y a-t-il encore, toujours, une enfance au-devant de nous ?

l’enfant peut-il guérir de la douleur d’aimer ?

il dessine une plaine qui s’évase et ravit au loin l’image d’une montagne

les pieds dans l’herbe bleue et l’eau froide fuyante

l’enfant rêve une errance

parfois les mots s’effondrent et le monde vacille

et la cité de verre, de fer, de béton, de fumées traverse et troue le corps de l’enfant déchiré


François Coudray

Claire Dias Lachèse

Quinze



l’automne

échéant

les si peut-être

et les  si rien d’autre

s’envolent au vent

le silence s’épaissit

il change de forme

l’ici se rapproche de l’ailleurs

on en vient à se dire –

la douleur protège

forcément

Hanna Chroboczek

Le voyageur oublié


C’est la vie qui vous fait mourir,

Ecriviez-vous dans ce poème où tout
Demeure à vif : le crépitement des trolleys,
La nuque de l’amante à son miroir

Et jusqu’à la jeune morte sur son lit,
Tellement sage qu’on ne sait plus
Si c’est le temps qui passe ou nous
Qui passons à travers lui, les mains vides,

Comme un train somnambule à travers
La campagne endormie – et le voyageur
Oublié dans le creux de ses bras

Est un lac au soleil de midi, un lac
Que rien ne trouble, pas même le reflet
Du corps penché qui tremble dans la vitre.


Guy Goffette

Thérèse O’keffe

(de) Aux Aresquiers


je ne suis pas là non plus c’est vrai

alors je peux l’écrire


tu ne reviendras pas


je t’écris pour te dire à quel point enfin je sais

tu ne reviendras pas


Eric Sautou

Katrina Servoni

neuf



il est là

sourd

tendu sous la peau

il attend

façonne le silence

glisse

jusqu’au bord du vertige

il ne craint

ni la nuit

ni le froid

et il me souffle à l’oreille –

il va sans dire


Markus Akesson

huit


une autre façon

de l’écrire serait

celle-ci

cette main sur la rampe

l’escalier qui descend dans la rue

la rue

ces visages et ces voix

la lumière du jour

l’odeur du pain tiède

ce que la main effleure

ou l’œil entrouvre –

tout cela vois-tu n’est pas

ma vie

Gaétan Chambon

six



amour

désir amour

désir d’amour

désir

amour du désir

amour

désir du seul amour

amour du désir seul

amour –

quelle était ta question

déjà

Dwight Mackintosh

cinq


l’or du matin

dissipe

les visages de la nuit

m’animant

je tire

le songe vers le papier blanc

mais sitôt

sortant de sa cage

la bête silencieuse

revient

Bruno Munari