sans titre

.

te laisse œuvrer sans contrainte

à l’extrème du blanc

.

plus de ciel mensongé

plus de faiblesse

une veine de voix irrigue ton front

d’une eau nouvelle

.

tu surgis du bosquet de cendres

nu

.

aiguisé

.

Alain Brissiaud

Un vieux papier

.

elle ne se soucie pas de politique

ne se soucie pas, sous la pluie

qu’un poisson transporte ailleurs un îlot, la géographie ne l’intéresse pas

au sortir du village, le soleil se lève sur tant d’horizons

que rien ne l’empêche d’atteindre le numéro 54 de la ruelle des amoureux, alors

elle ne se préoccupera pas du corps d’un homme, ni à marée basse

du poisson sur la plage — mort

.

elle se soucie moins encore de la mort, du coût des sépultures qui chaque année

grimpe

malade, elle n’y réfléchit guère, jusqu’à ne plus pouvoir bouger

ne plus pouvoir attraper le linge sur le balcon

le boire et le manger, elle n’en fait pas grand cas, les pesticides dans les légumes,

les huiles usagées, la mélamine tout cela est bien plus léger qu’une tristesse véritable

que crois-tu pouvoir contre moi? demande-t-elle comme à un amour passé

.

de quoi donc te soucies-tu ? questionne-t-il sans relâche

elle baisse la tête, aperçoit un vieux papier dans la corbeille

quelques traits de couleur

des caractères

tout chiffonnés

comme si ce papier

jamais n’avait été immaculé

.

YU Xiuhua

Aaron Canipe

(de) La mort à distance

.

J’ai cru qu’on m’appelait

par mon nom

.

qu’on me tendait une main

mais c’était moi marchant

avec moi

.

nulle part au monde

.

Claude Estéban

Ataa Oko

Le thé

.

tu n’as plus soif

ni faim

ni même peur

tu n’auras rien

.

le geste précis

de l’eau

du feu

et de l’homme

te sauvera

.

tu ne seras pas l’eau

ni le jeu

tu ne seras même plus l’homme

tu

seras le miracle

peut-être même le miraculé

.

tu seras celui qui revient

le revenant

.

Arezki Metref

Jean Louis Saiz

(de) L’apprenti dans le soleil

.

la sensation désagréable

que vos oreilles

fonctionnaient de temps à autre

à l’envers

.

qu’elles ne percevaient plus

que ce qui se passait en vous

.

l’envie folle

que les songes fussent

presque tous étourdissants

.

les moments qui glissaient

.

à peine

.

manquaient même

de tomber

.

mais ce n’était pas une raison

pour les rejeter

.

Franck André Jamme

Damien Malonney

Appendice


tant que le désir

ne dit pas son vrai nom

corps et voix restent

en lisière


dans le ciel

passent des ballons des cris

la joie

mais l’œil lui reste

requis dans le champ

du rauque


l’ivresse

de certains sourires

et ces mots crus

parfois qui vous montent

à la tête

Kyle Thomson

Mars


plus bas

sous la ligne de pente

il y a un endroit

où la mer s’imagine

au regard

Presque un souvenir


l’œil

boit

l’itinéraire

les voix

et les visages

il boit

l’instant passé

l’ombre

la lumière

il boit

l’innocence

les mots

et les larmes

blanches

  Pierro Percoco

(de) Conférence sur un paysage

 

Comme quand le paysage glisse

sous la

peau. Comme quand l’hiver s’installe

dans un

 

puits. Celui qui s’en va

regarder

dedans

y trouve le ciel, qui se change en

 

nuit.

Et une étoile

qui scintille

dans le ciel véritable.

 

Jan Erik Vold

Robert Darch

 

Parc du Portugal


Parc

du Portugal

le chant

des oiseaux

que le soir agite

la ville s’ouvre

un souffle

dans les branches

la lumière se retire

nous sommes

peut-être

cent ou mille

corps ainsi dispersés

sous la maison

aux volets fermés

soudain

une voix s’élève

elle chante

un premier vers

les visages

s’irradient

Caroline Dufour