Au début

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non même une pierre

ne vole pas

de retour dans la main

elle flotte et

les yeux s’immergent

dans l’eau

ils y trouvent le souffle

mémoire des branchies

ainsi personne ne se noie

quand le poème finit

peut-être le lecteur commence-t-il

à glaner mot pour mot

à chercher une force d’appui

par sa propre voix

au-delà du texte

au-delà d’un rivage

 

 

Eva Maria Berg

Image Guillaume Bresson

Nulle part

 

L’endroit où ils étaient couchés, il a

un nom – il n’en a

pas. Ils n’étaient pas couchés là. Mais il y  avait quelque

chose

de couché entre eux. Eux

ne voyaient pas à travers.

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Ne voyaient pas, non,

parlaient de

mots. Aucun d’eux

ne s’est réveillé, le

sommeil est venu sur eux.

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Paul Celan

Zhu Lanqing

 

(de Poésie)

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La terre toute entière visible

mesurable

pleine de temps

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suspendue à une plume qui monte

de plus en plus lumineuse.

 

Philippe Jaccotet

 Riego Van Wersch

 

Andrée Chédid

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« Au fond, qu’est-ce que la poésie sinon l’interrogation sur les choses décisives de la vie, l’amour, la mort ? Je crois que j’ai écrit des romans pour essayer de dire ce que je fais en poésie ! [Rires.] Les gens s’imaginent que la poésie c’est obscur, un truc éthéré, un machin qui virevolte dans l’air. Alors qu’elle touche à l’essence de l’homme. Écrire un poème, c’est prendre la vie à bras-le-corps, en tirer tout le vif. Le vif de la vie c’est aussi accepter la mort. »

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Andrée ChédidTélérama, octobre 2000

(de) habertstrass

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Jeunes vieux

passants que la nuit traverse

la mer et ses feux.

 

les uns rient plus haut que les toits

et parfois trébuchent

comme si leur ombre même

brulait à l’intérieur.

 

Guy Goffette

Daniel Soares

 

(de) Lettres à un jeune poète

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« Fuyez donc les grands thèmes pour ceux que vous offre votre quotidien : dites vos tristesses et vos désirs, vos idées fugitives et votre foi en une beauté, quelle qu’elle soit. Dites tout cela avec une sincérité profonde, sereine, humble et, pour vous exprimer, utilisez les choses qui vous entourent, les images de vos songes et les objets de vos souvenirs (…) Tâchez de ramener à la surface les sensations englouties de votre passé ; votre personnalité s’en trouvera affermie, votre solitude s’amplifiera, elle deviendra une demeure de pénombre qu’épargneront le bruit des autres. Et si de ce retour au plus profond de vous même, de cette plongée dans votre propre monde naissent des « vers », vous n’aurez plus l’idée de demander à quelqu’un si ces « vers » sont bons.  »

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Rainer Maria Rilke – Lettres à un jeune poète

Pierre Reverdy

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 » Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore – pas plus dans la tristesse que dans la joie. Elle est dans ce que deviennent les mots quand ils atteignent l’âme humaine, quand ils ont transformé le coucher du soleil ou l’aurore, la tritesse ou la joie.

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Pierre Reverdy in « Cette émotion appelée poésie » (1950)

 

 

 

 

Névroses

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sous la lune

qui perce au vent

un vieux chêne montre ses fesses

cinq heures sonnent

des enfants jouent dans l’herbe jaune

non loin d’eux leurs mères

délibèrent quand

d’un fourré le cri d’un chien

errant

tv5

Image Michel Berberian

Paul Claudel

« La poésie est l’effet d’un certain besoin de faire, de réaliser avec les mots l’idée que l’on a eu de quelque chose. Il faut donc que l’imagination ait une idée vive et forte, quoique d’abord imparfaite et confuse, de l’objet qu’elle se propose de réaliser. Il faut en plus que notre sensibilité ait été placée à l’égard de cet objet dans un état de désir, que notre activité ait été provoquée par mille touches éparses et qu’elle soit pour ainsi dire, mise en demeure de répondre à l’impression par l’expression. »

Paul Claudel – Réflexions sur la poésie