Muse / 5




nous dormons

sous mes paupières

nous marchons

sous les ailes du vent

nous effleurons

les buées d’automne

nous suivons

l’eau qui coule de nos mains

nous allons

plus loin que loin

nos yeux découvrent

la beauté du matin

Caroline Dufour

Je cherche un mot 2/2



ce mot

sans bord ni creux

ne dirait pas le nom des choses

il serait un passage

et sans même ouvrir les yeux

tu saurais qu’il reste

quelque chose de sain et sauf

tu lancerais alors

dans un souffle à peine –

je n’efface rien

j’habite en moi

Caroline Dufour

Je cherche un mot – 1/2



je cherche

un mot –

poreux peut-être

qui ne nierait ni la nuit

ni les murs lézardés

ni les corps encore tremblants

d’avoir aimé

ce mot serait un tesson tiède

dans la paume ouverte

il pourrait

garder la beauté de ce qui fut

sans jamais rien

commettre

Caroline Dufour

Poème de l’après


je te vois

face à l’eau

le dos droit

comme un refus

tu ne dis rien

et j’aime tant

ce rien-là

les arbres passent

lentement

sur le chemin

la pluie

n’a plus besoin

d’excuses

dans chaque silence

je cherche le mot

que tu retiens

Caroline Dufour

Trouble



la main effleure

la poussière des ombres

aussitôt

quelque chose cède

s’efface

au moment d’apparaître

la main insiste

palpe le vide

une brèche s’ouvre

et sur la page

tremblant

un visage nait

déjà prêt à se fendre

Caroline Dufour

Seuil absolu


la rue silencieuse

traversée

de quelques fenêtres allumées

et dans l’arrière-cour

immobile

la neige

sans bruit qui recouvre les choses

est-ce mon regard qui suit ton pas

ou l’hiver

doucement qui vient

te chercher

Caroline Dufour

Je la vois


dans un songe

à peine

une poire

longue bleue

immobile presque

tourne autour d’un soleil

sans feu

tout au-dedans semble

vibrer – des voix peut-être

je ne ris pas

je regarde

ce fruit suspendu

quelqu’un l’a mis là

je ne sais

ni quand

ni comment

nous sortir

de cette image

Caroline Dufour

L’envers


tard

dans la nuit

une ombre effleure

la peau des murs

écho

ou simple habitude

sa voix –

plutôt une tiède rumeur

flotte à travers le halo bleu

sous ma tête

l’accoudoir chavire

puis je tombe à l’envers

du jour

Caroline Dufour

Cendres (4/9)


DANS L’ERRANCE

l’œil troublé

j’implore

un signe

un geste

un reste de souflle

quelque chose pour te figurer

car dans ce qui reste –

vois-tu

tu n’as qu’un âge

tu souris

et tu ne portes jamais

d’ombre

Caroline Dufour

onze


au bas de la page

elle tracera

« de n’y jamais percer que soi »

l’esprit en tumulte

je lirai

et relirai ses mots

sans fin

jusqu’à les faire

autrement

miens

Brigitte Perez