Mots

.

« Je te perdrai comme on perd un clair

jour de fête : — je le disais à l’ombre

que tu étais dans le vide de la pièce — attentive

ma mémoire te chercha en ces années

florissantes un nom, une apparence : pourtant,

tu te dissiperas, et ce sera toujours l’oubli

de nous dans le monde. »

Tu regardais le jour

évanoui dans le crépuscule, je parlais

de la paix infinie que le soir

étend sur les fleuves à la campagne.

.

Alphonso Gatto

Lauren Baker

Soupçons

.

Embusquées à l’angle de l’aube
l’anxiété de ne pas te hisser
                    à hauteur de poème
la tentation du repli
        du lâche renoncement

Par effraction
        la lumière s’insinue
                au travers des persiennes
le crayon du soleil
                    déjà entre tes doigts

S’accorder
    à la croissance de la clarté
            sa vigueur intacte
avec les roses
te livrer au matin innocent

Sans jamais ignorer ni taire
        l’intarissable rumeur du monde
appels vociférations détresses et agonies
                poésie debout
                    sentinelle

.

Colette Nys-Mazure

Charlie Bobo

(de) Le miroir des solitudes

.

Car, à cet instant, tu le pressens,

La réalité n’est pas achevée,

Pas encore construite, et demande à l’être comme l’est

Un fruit ouvert, dont on peut goûter la saveur, connaître

Le plaisir ; au fond, tout n’attend de toi

Qu’une seule chose : que tu lui livres en toi

Ce passage charnel

Vers sa plus intime légèreté, son être musical ;

.

Christian Monginot

Franck Creber

Parc du Vernay


la branche

cède

et l’oiseau s’élance

sans bruit

quelque chose

reste

un frisson

ou un geste –

celui de l’enfant

trois doigts levés

vers le ciel

Peter Hutchinson

Comme une trace vérité

.

Comme une trace vérité
Un grand trou noir

L’autre
Une empreinte
Cendre
Jamais éteinte

Désir de paix
Sur un sol muet

Profondeur de l’oubli

Aimer
À perpétuité

.

Michèle Gautard

Gilles Daoust

A l’enfant que je suis



nos langues

se croisent

sans jamais

se toucher

la mienne

usée

s’empourpre

d’orgueil

la tienne

plus parente

se fragmente

à mes pieds

Miguel Hernandez

(de) Lignes d’écriture

.

on s’interroge n’est-ce pas suffisant d’être là parmi tout ce qui s’offre sans fin
se sentant misérable

de n’en saisir
rien

n’est-ce pas suffisant d’être parmi les voix les corps de les toucher parfois d’être touché
et de sentir l’imperceptible

frémissement de
l’air

n’est-ce pas
suffisant

.

Christine Bloyet

Harold Feinstein

(de) La mer écrite

.

Ces cordages faits pour retenir les bateaux de rejoindre le vent et de s’y perdre.

La mer est toujours surveillée, vérifiée.

Dès fois qu’elle ne voudrait plus vivre.

Comme il y a des gens qui ne veulent plus partir mais seulement rester là, à vivre dans l’immobilité du temps.

.

Marguerite Duras

Hélène Bamberger

Un soleil

.

Je voulais savoir

qui

Tu

es. Ma nuit, c’est que jamais je

.

n’ai vu

qui

tu étais. Tu as disparu quand je t’ai demandé

pour la troisième

.

fois.

Je voulais que tu

dessines

un soleil

.

Jan Erik Vold

Tom Sandberg