(de) Peau



on marche dans le jardin


il y a peu à dire


seulement voir la lumière

sur la haie de fusains


un reste de pluie brille

sur les feuilles de lierre


Antoine Emaz

Anthony MOREL

Cendres (2/9)


DANS LA BÉANCE

lieu saturé

de cris

et de couleurs

vivent

au bord même de l’effacement

les monstres de laideur

ils sont

selon

dedans

dehors

ou pas

ils sucent – dis-tu

le blanc de nos silences

ils attendent

muets

l’heure qui renonce

Jean-Pierre Cobra

(de) De l’air

.

journée

le soir absorbe plus ou moins bien son poids

voilà tout

.

la mer n’aide pas on entend son bruit

de fond de mémoire sans cesse

sa lessive habituelle

.

continuer

pour quel plus loin d’air quel

espace encore à ouvrir

avec les dents les mains les mots

.

ne pas laisser comme c’est

.

Antoine Emaz

Francesco Roméro

(de) Poème de la confusion

.

vrac intérieur

un jour ordinaire

et son poids

utile

.

on fait ce qu’il faut

sans recul

le soir

on boit on dort

.

il n’y a pas d’erreur

c’est la vie

.

Antoine Emaz

Peter Riesett

(de)  Boue

XIX

.

assez longtemps après

ce ne sont plus les dessins qui viennent

mais le bleu

.

vrai

il ne servirait à rien de retourner

.

il ne sert à rien même

de se retourner

encore

.

encore que

les arbres oui peut-être les arbres

le double platane

peut-être

le vent ou le rien des ces soirs

dans la vitre et cet espèce de calme

intense

.

Ce fouillis de feuilles

.

de quoi fait-il vraiment

se souvenir

on se demande

.

Antoine Emaz

(de) La moitié du geste

.

déterre-moi

dit à l’œil

le reflet

.

mais l’œil

ne voit en face 

ni le baiser désert

.

ni la mort de l’obscur

gelé

dans le volume faux

.

qui se tutoie

en l’air

sa langue y perd

.

car le tu

est sous la peau

la profondeur

.

Antoine Emaz

Philipp Schopke

(de) Autour

 

déjà

cela se déplace à nouveau

sans changer

c’est un autre matin

 

terriblement vite

cela use

 

restent les têtes muettes

les morts et

les bêtes

 

Antoine Emaz

Eric Schubert

Antoine Emaz

 

 » Alors écrire, en plus ? Cela ne résout rien, ne guérit pas ; je vois cela plutôt comme une mise à plat, une façon d’y voir un peu plus clair, de respirer un peu mieux. Une sorte de prise d’écart, de distance : je ne suis plus muet, j’essaie de dire pour moi et l’autre ce qui, d’habitude, nous fait taire.

Écrire-vivre, c’est partir de ma vie jusqu’à ce qu’elle s’adresse, par le poème, aux autres, à leurs vies particulières. Le poète n’est pas devant tout le monde, guidant le peuple et voyant plus loin ; il est derrière, aussi aveugle que les autres, mais il dit son aveuglement, et son refus. Ce n’est pas refuser qui le distingue, mais son dire. Donc tout le travail consiste à rejoindre le commun en partant du singulier. Voilà le boulot d’écrire. Non pas exacerber l’individu, mais à partir d’une vie, que le poème sauve aussi comme vie personnelle, aller vers un vivre qui soit commun, collectif, une condition d’homme, si on veut. Si le lecteur ne se reconnaît pas dans le poème, j’ai raté ; si je ne me reconnais plus dans le poème, j’ai raté également. C’est assez simple. »

Antoine Emaz – les entretiens in-finis

 

 

 

(de) Boue

 

poser encore

quelque chose comme un ciel

ou un linoléum

quelque chose comme bleu

bleu débandé

et bleu encore ensuite après

sans pouvoir en finir

l’important n’est pas d’être là

on le saurait

mais d’être encore pourtant

sans être sûr

 

Antoine Emaz

Julia Grandperret Motin