Sans titre


Et les nuages sont longs

ta langue sans prière


en cet instant illuminé

les feuilles repliées à peine

visibles et vertes

le vent agite tout ce qui bouge

vibre sur tout ce qui est


tu n’attends pas de réponse

dans ta poitrine ouverte

le soleil s’est logé entier


Noée Maire

Claire Dias Lachèse

Le café espagnol


Une halte

est-elle si souvent

recherche.

Pauvre. Dévastée. Ruelle.

En larges lettres cramoisies

déteintes

vous aviez peint au-dessus du vantail

« Cantar hacia afuera

o adentro »

Je cherchais une halte.

Je suis rentrée dans le café espagnol.

« chanter en dehors

ou en dedans » ;

Lorsqu’ils fouilleront ma voix

ils trouveront la nuit

un lys blanc

si pâle

qu’il semble larmes.


Nicole Drano

Alexej Von Jawlensky

Refonte


Au pied

de ton immeuble,

des amas

de neige.


Au fond

de ton crâne,

des flocons

d’autres froids,


de purs cristaux de joie.


Maintenant,

tes yeux flambent,

collés à la fenêtre

et la neige fond

en chaque

lettre


du prochain poème à naitre


Morgan Riets

Herman Brood

Vent et nuit


Heure de vent

nuit contre la nuit,

ici, dans ma nuit.


Le vent taureau

court, s’arrête, tourne,

va quelque part ?


vent sombre

dans les entrecroisements

se brise l’âme.


Comme moi-même,

accumulation colère

sans dénouement.


Où suis-je ?

Le vent vient et va ;

Ni ici, ni là.


Miroir Aveugle.


Octavio Paz

Trent Parke

(de) L’exil des renards


c’est danser qu’il faudrait

est-ce qu’on saura ?

est-ce qu’on saura

tomber un peu ?

laisser l’incertitude

remplir nos ventres

se tenir ne pas se tenir

entrer dans le vert

qui grandit derrière nous

mourir un peu et revenir

est-ce qu’on saura ?


Mira Wladir

Ana Vallejo

(de) Des falaises


jamais le cœur si grand

qu’en haut d’une falaise


la place pour qu’il s’étende

ouvre son ciel


plein soleil

plein vent


être à soi à l’autre

au monde


pleinement


Mélanie Leblanc

Bertrand Delai

(de) Le noir au ciel

dans l’angle où on dort, une équerre de bois ferme le ciel, on écoute la nuit descendre dans la voix la plus basse, un souffle court dans les feuilles par l’herbe plaquée, couleur de bête morte, sous le temps qui penche disparaît un pays sans bruit, les mains serrent sur le drap le froid découpé vif dans la fenêtre, où on regarde on ne rejoint plus rien, on respire mal par les trous du sommeil, la lampe n’éclaire pas dehors, à peine un faisceau de gris aux bords rongés, et l’humidité des arbres, mais à portée des yeux le fil droit des rainures de sapin, la nuit de la fenêtre, plus noire dans le noir quand on allume la petite ampoule, une bête longe la barrière


Mary-Laure Zoss

Patxi Laskarai

(de) Les rideaux oranges


Marelle au bord des larmes ce matin, craquante

de larmes (beaux yeux en amande ou, au plus noir

de la nuit, vulgaire noix, noix aveugle ?) ; brise

légère. Mer lisse. Marelle qu’un enfant

berce de ses jeux transparents, de ses rires.


Nous serons emportés. Regardez les fleurs,

la rosée… Mais quel naufrage à cette hauteur

ridicule ?


Laurent Cennamo

(de) Errer mortelle


Pour seuls vivres

l’os du chemin

rongé par la lumière


pauvre est le sol

où s’use la pierre

sous les rafales du vent


citernes vides

remplies d’échos

sources taries dans l’air hautain


le chemin n’est que poudre d’os

dans la paume de la terre


José-Flore Tappy

Patxi Laskarai

A Philippe Jaccottet


Ce retrait

où garder

la lumière d’hiver

et l’obscurité,

les mots très bas

rendus à la terre,

un chant qui reste

à reprendre.

La terre

Garde

arbres, chemins ;

à terre,

restent

brindilles

et lichen

où s’accroche

sur le tard

l’or peut-être

de la lumière.

Reste

une note juste

de lumière

dans un carnet

des chemins.

La nudité

ne s’oublie

pas.

Pas.


Jean Gabriel Cosculluela

Basso Cannarsa