Charles Baudelaire

Quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience.

C’est surtout de la fréquentation des villes énormes, c’est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. Vous-même, mon cher ami, n’avez-vous pas tenté de traduire en une chanson le cri strident du Vitrier, et d’exprimer dans une prose lyrique toutes les désolantes suggestions que ce cri envoie jusqu’aux mansardes, à travers les plus hautes brumes de la rue ?

Charles Baudelaire / Préface de Le Spleen de Paris

Image http://www.magazine-litteraire.com/

A propos terrain vague

la poésie en mille morceaux

2 réponses

  1. Margot Roisin

    J’adore. La prose est la forme qui m’est la plus naturelle pour toutes ces raisons défendues par Baudelaire, le génie du vers pourtant. Le vers régulier a néanmoins ses propres vertus bien qu’il soit à double tranchant, risquant de pervertir la vérité de l’instant, il contraint le poète à manipuler le langage premier qu’il souhaitait mais l’amène par conséquent à découvrir une autre vérité qui se cachait sous le premier éclat de l’instant. Quoiqu’il en soit, dans la prose comme dans le vers, là où combien pensent qu’ils font le poème, nous sommes parfois obligés d’admettre que c’est le poème qui nous fait.

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